Charlotte Cardin: "J’étais un peu en crise existentielle"
Elle cartonne dans le monde entier avec son hit “Feel Good”, paru sur l'Édition Deluxe de son dernier album “99 Nights”. Rencontre.

Radio Fr: Tu reviens du Festival de Cannes, et je crois qu'on peut dire que tu aimes bien le cinéma de manière générale? Notamment avec cette demande en mariage à Jim Carrey, dans le single du même nom, qu'on retrouve sur l'album “99 Nights”. Tout le monde rigole un petit peu de tout ça, de cette demande en mariage, le fait qu'il t'ait appelé pendant une vingtaine de minutes. Mais c'est un peu plus profond quand même, tu as scruté des interviews de Jim Carrey et c'est là que tu as appris à le connaître et notamment à aimer la manière dont il parle de la quête identitaire, de l'ego, etc...?
Charlotte Cardin: Exactement. En fait, depuis mon enfance, je suis très fan de sa comédie, de ses rôles, de ses films. Mais c'est vraiment quand je suis tombée un peu dans le vortex de toutes ses vidéos où il fait des interviews, des discours sur la quête identitaire, sur la recherche du soi qui n'est pas brouillé par notre petite voix intérieure qui est souvent très négative et qui finit par nous fermer des portes à l'intérieur de nous-mêmes. Et au moment d'écrire cet album “99 Nights”, j'étais un peu en crise existentielle, en remise en question sur plein de sujets. Et donc, cette partie de Jim Carrey m'a vraiment rejointe. Je me suis vraiment identifiée à ses concepts. Et j'ai trouvé qu'il parlait de façon tellement éloquente de cette recherche du soi qui est réelle, qui est authentique. Et donc, voilà, c'est pour ça que je le demande en mariage sur mon album. Donc, la forme de cette chanson est un petit peu humoristique, mais c'est vrai que le thème me touche réellement.
Toujours dans l'ambiance cinéma, il y a aussi cette référence au film “Titanic” dans ce hit du moment, “Feel Good”: “Il y a ma main dans la fenêtre, Titanic”, c'est la première phrase de ce titre. Il y a aussi une référence dans le clip, avec cette voiture qu'on voit de l'extérieur pleine de buée. Pourquoi cette référence à ce film, est-ce qu'il y a une raison particulière?
Déjà, c'est un film que je trouve absolument exceptionnel. C'est un film qui m'a accompagnée à plein de moments de ma vie. Je ne sais même pas combien de fois j'ai vu ce film. Et cette scène, je la trouve hyper belle, parce qu'évidemment, c'est une image, mais qui raconte tout. Et au final, je trouve que c'est la force de cette scène, où on voit la voiture qui est en buée, on comprend évidemment ce qui se passe entre Jack et Rose. Et je trouvais que c'était tellement une image forte, que j'avais envie de la reprendre. Et ça faisait longtemps que cette image me revenait dans plein de chansons différentes. Et j'ai finalement réussi à l'intégrer en français sur “Feel Good”.
Je ne t'ai pas encore demandé pourquoi “99 Nights”, et surtout pourquoi tu n'as pas arrondi à “100 Nights”? Ça serait aussi plus facile à prononcer pour nous qui ne parlons pas bien l'anglais! (rires)
Déjà, je trouvais ça joli, phonétiquement, “99 Nights”. Mais en fait, j'ai écrit cet album plus ou moins le temps d'un été. Donc, un été, c'est environ 94 nuits. J'ai arrondi. Mais je trouvais ça joli. En plus, neuf, ça a toujours été un peu mon chiffre chanceux. Mais c'était plus pour représenter cette période de quelques mois pendant laquelle j'ai vécu plein de choses et donc écrit plein de chansons qui se sont retrouvées sur cet album.
Musicalement, on peut dire que cet album est plus varié que dans tes EPs ou ton premier album. Il y a de la pop, du rock, de l'électro. Toi, à la base, ta volonté, c'était de pouvoir un peu plus élargir ton terrain de jeu musical. Mais est-ce que c'est aussi lié au fait que, tu l'as fait et écrit avec des amis très proches? Est-ce que chacun a amené un peu de son ADN, finalement?
Oui, complètement. C'est d'ailleurs ce que je trouve très stimulant de la co-écriture, de la collaboration, c'est que oui, ce sont des chansons qui portent mon nom, des histoires que je raconte, mais il y a vraiment des parcelles de tout le monde avec qui j'ai travaillé sur cet album, que ce soit des références musicales ou alors certains thèmes qui ont été abordés par une personne autre que moi dans une session d'écriture. C'est très inspirant de travailler en groupe, en tout cas je trouve, en petit comité comme ça à deux ou trois parce que l'inspiration est infinie et quand on est à court d'idées, il y a quelqu'un qui va dire un mot ou même faire une blague puis soudainement, on part sur un autre truc complètement différent et ça permet vraiment juste de varier justement les inspirations.
On retrouve aussi le sublime titre “Next To You”. C'est la dernière chanson que tu as écrite, et qui clôture cet album “99 Nights”. Sept mois de travail avec Patrick Watson, notamment. Je crois que tu n'étais pas satisfaite de la première version, donc vous avez retravaillé le titre encore et encore, et tu es sortie en pleurs de cette session parce qu'elle a vraiment été un vrai défi pour toi cette chanson?
Ça a vraiment été un défi, oui. Autant dans les thèmes qu'elle aborde que dans le travail qui a été mis dans cette écriture. J'ai vraiment eu dix fois l'envie d'abandonner cette chanson. Il y avait quelque chose qui me déplaisait. La structure était totalement incohérente pendant longtemps. Mais c'est Patrick qui m'a dit, moi… Patrick qui est vraiment devenu comme un mentor pour moi et avec qui j'ai énormément travaillé. On a écrit beaucoup de chansons ensemble. Il m'a dit, "moi, mes meilleures chansons, ou en tout cas celles qui ont le plus plu aux gens, c'est celles dans lesquelles j'ai mis le plus de travail". Moi, je n'avais pas l'habitude vraiment de travailler et retravailler sur la même chanson. Et je suis tellement contente qu'on l'ait poussée vraiment à fond cette chanson, parce que c'est vraiment… Je crois que c'est ma chanson préférée de l'album. Et elle est très, très, très importante pour moi. Et je pense d'autant plus parce que j'ai mis autant de travail dedans.
Charlotte, je termine toujours ces interviews avec un petit instant “Crush”, un petit instant coup de cœur, je vais te donner trois plats typiques québécois. Nous avons la poutine que tout le monde connaît, évidemment. Nous avons les fèves au lard, un plat à base de haricots rouges, de lard et de sirop d'érable. Et nous avons la queue de castor, un beignet qui est souvent recouvert de chocolat ou de sucre. Tu dois en manger plus qu'un seul jusqu'à la fin de ta vie?
C'est sûr que c'est la poutine! C'est tellement bon! (rires). Pour moi, ça bat de loin les deux autres.
Je vais te donner trois expressions typiquement québécoises, et j'aimerais savoir laquelle te caractérise le mieux: “J'ai la broue dans le toupet”, qui veut dire “Je suis très occupée, débordée”, “Je ne lâche pas la patate”, qui veut dire “Je ne vais pas abandonner, je vais tenir bon”, et finalement “Tiguidou”, qui veut dire “Tout va bien”.
J'aime bien “J’ai la broue dans le toupet”, c'est un peu la seule des trois que j'utilise. Avoir de la broue dans le toupet, c'est un peu quand un moment est chaotique, quand tout arrive en même temps. C'est l'expression que j'aime le plus, mais elle ne me caractérise pas nécessairement parce qu'en vrai, ça va bien. Je n'ai pas trop de broue dans le toupet en ce moment. (rires)
Charlotte Cardin sera en concert le 26 avril 2026 à l’Arena de Genève.
Retrouvez l’interview complète de Charlotte Cardin en vidéo: