On ne sait pas construire pour le chaud

L'ingénieur Mark Muller prône des changements dans nos méthodes de construction, pour des bâtiments plus durables et plus confortables.

Le béton, une matière facile à travailler mais qui demande beaucoup d'énergie pour la produire © KEYSTONE

La chaleur vous accable? Et difficile, voire impossible de faire baisser la température dans votre logement? Un problème que beaucoup de personnes connaissent en Suisse. Parce que dans notre pays, "on sait assez bien construire pour le froid, on ne sait pas du tout comment construire pour le chaud", assène Mark Muller. Cet ingénieur fribourgeois travaille dans le domaine de la durabilité depuis près de 20 ans. Et il est à la tête d'une entreprise qui aide les particuliers et les collectivités à modifier leurs bâtiments pour les rendre plus écologiques et plus en phase avec le changement climatique.

Et il le constate, dans notre pays, on est encore peu informé de ce qui existe dans les méthodes de construction ou les matériaux durables. Il y a certes quelques labels, comme Minergie. Mais très majoritairement, nos maisons ne sont pas adaptées aux épisodes extrêmes, comme la canicule actuelle, les orages violents, le vent tempétueux ou encore les soudaines chutes de grêle. "Un gros travail d'introspection doit être fait dans la construction", souligne l'expert. Nos matériaux de prédilection demeurent le béton, l'acier, le sagex. Ils ont remplacé voici déjà longtemps le bois ou d'autres matières de construction naturelles. Parce qu'ils sont faciles à produire, même s'ils demandent énormément d'énergie pour le faire ou même s'ils sont d'origine fossile. Pas simple donc de convaincre les bâtisseurs de revenir à des matériaux biosourcés comme on dit, le bois par exemple. 

Et pourtant, ces matières comme béton sont particulièrement polluantes. "Environ 92% des déchets produits en Suisse, c'est la construction", résume Mark Muller. Mais la prise de conscience tarde. "Ça fait 30 ans qu'on fait des programmes de promotion pour isoler les bâtiments, remplacer les chauffages fossiles et il ne s'est pratiquement rien passé", déplore l'ingénieur. "Mais maintenant que les prix du gaz ont explosé, tout le monde veut changer sa chaudière! Il faut attendre les crises pour être proactif" regrette-t-il encore.

Miser sur le low-tech

Mais peut-on faire évoluer sa maison construite de manière disons "classique" vers une version plus durable, sans la raser jusqu'aux fondations? La solution de facilité, c'est d'installer un gros climatiseur, ultra gourmand en énergie et qui dégagerait des gaz très nocifs. "Moyennant une pollution environnementale supplémentaire, on peut ainsi obtenir le confort pour pas trop cher financièrement" ironise l'ingénieur, qui préfère nettement la seconde solution: le recours à des techniques low-tech. Il s'agit par exemple de modifier les façades pour mettre des brise-soleil évitant ainsi un ensoleillement trop important, d'utiliser des laines de bois comme isolant plutôt que du sagex ou encore d'enlever le béton autour des maisons pour le remplacer par des surfaces végétalisées. Des techniques connues depuis des millénaires, mais "qu'on doit réapprendre en Suisse." Et c'est long à mettre en place. Il faudra environ 30 à 40 ans selon Mark Muller.

Lui a déjà construit la maison idéale, la sienne! En paille et en terre, sans chauffage central. Elle est autarcique, utilise l'eau de pluie. Un concept qu'il aimerait voir se développer même en ville, avec bien sûr d'autres éléments incontournables comme la mobilité douce.

Ecoutez l'éclairage complet:

RadioFr. - Sarah Camporini
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