"Les élus ne doivent pas se laisser rouler dans la farine"
Neuf communes fribourgeoises veulent sensibiliser les députés aux conflits d'intérêts survenus selon elles dans la planification éolienne.
Depuis trois ans, elles dénoncent les conflits d'intérêts qu'il y a eu, selon elles, au moment de choisir les sites du canton de Fribourg destinés à recevoir de potentielles éoliennes. Ces neuf communes — La Sonnaz, Belfaux, Vuisternens-devant-Romont, La Verrerie, Sorens, Billens-Hennens, Grangettes, Siviriez, Sâles — ont à nouveau pris la parole jeudi, par l'intermédiaire de leur avocat, lors d'une conférence de presse.
Un moment soigneusement choisi, bien sûr. Car jeudi prochain, le Parlement fribourgeois examinera un texte du Conseil d'État. Un rapport rédigé suite à la publication de l'enquête de l'Institut des hautes études en administration publique de l'Université de Lausanne (IDHEAP), qui avait été chargé par le canton de faire la lumière dans ce dossier.
"Des contre-vérités"
Ce rapport du gouvernement fribourgeois fait bondir Jacques Dumas, syndic de Vuisternens-devant-Romont et député UDC. "Dans ce document, le Conseil d'État assure qu'il n'y a pas eu de conflits d'intérêts dans la planification éolienne, alors que l'IDHEAP confirme le contraire. Il montre notamment qu'en 2016, Ennova avait une double casquette problématique, celle de promoteur et de décisionnaire."
"Le Conseil d'État relaie des contre-vérités. C'est grave pour un enjeu démocratique", abonde David Ecoffey, l'avocat représentant les neuf communes qui dénoncent ces dysfonctionnements. Il réclame désormais plusieurs mesures, et particulièrement la mise en place d'une enquête administrative ou d'une commission d'enquête parlementaire.
Qu'est-ce que cela apporterait? "Les professeures mandatées par l'IDHEAP n'ont pu travailler que sur la base des documents que la Direction de l'économie, de l'emploi et de la formation (DEEF) a bien voulu leur fournir. Elles n'avaient pas de pouvoir d'investigation, n'ont pas pu interroger d'autres acteurs par exemple. Et malgré tout, leurs conclusions sont cinglantes pour le Conseil d'État."
À une semaine de cette séance parlementaire jugée cruciale par ces neuf communes lanceuses d'alerte, David Ecoffey tient ainsi à sensibiliser les députés. "Nous souhaitons informer les élus, afin qu'ils ne se laissent pas rouler dans la farine par le Conseil d'État."
Alors que pourrait-il se passer jeudi prochain au Grand Conseil? Il n'y aura en tout cas pas de révolution. Car à ce moment-là, les députés ne devront pas dire si oui ou non, ils réclament une commission d'enquête parlementaire sur la planification éolienne du canton. Pour cela, il faudrait déposer un nouveau texte, signé par plusieurs députés, cela prendrait du temps, et tous les élus ne soutiennent pas forcément la démarche.
Exprimer leur insatisfaction
Jeudi, ils auront l'occasion de s'exprimer sur ce fameux rapport du Conseil d'État. Et en prendre acte. C'est tout. Mais cela devrait quand même donner lieu à de vives discussions.
Contactés, plusieurs chefs de groupe de partis sont en effet d'accord pour dire que tout n'a pas été fait correctement par le canton, et que le Conseil d'État minimise ses erreurs. Qu'ils soient pour ou contre les éoliennes, ils réclament plus de transparence.
Même si différents élus confient vouloir aller de l'avant sur le sujet, il y aura donc sans doute des mots forts. Et peut-être aussi des conséquences politiques: la Commission des finances et de gestion du Parlement pourrait s'autosaisir du dossier et décider d'enquêter sur ces soupçons de conflits d'intérêts.
Réplique du canton
En attendant, la Direction de l'économie, de l'emploi et de la formation répète que le rapport de l'IDHEAP ne révèle pas l'existence de conflits d'intérêts avérés sur le volet éolien, même s'il pointe des carences.
Elle assure que ces accusations des communes sont sans fondement, que la planification éolienne a été validée par la Confédération et que cette communication s'inscrit dans une campagne d'opposition de principe au développement de l'énergie éolienne.